« Il n'existe pas un modèle de smart city, mais des projets adaptés aux besoins de chaque ville »

Le développement des smart cities est devenu un élément clé pour faire face à la croissance démographique des villes. Ce concept, basé sur le numérique, permet d’optimiser les flux, les ressources énergétiques, et de réduire l’impact environnemental. Mais la smart city n’est pas sans transformer en profondeur toute l’industrie de construction, de gestion et d’exploitation des villes. Entretien avec François Duquesnoy, Directeur smart cities chez Orange.

Comment définiriez-vous la Smart City ?

François Duquesnoy : que ce soit le smart grid pour la gestion intelligente de l’énergie (électricité, eau, gaz, gestion des déchets, etc), la smart agriculture, le smart building (construction intelligente) ou le smart transport, tous ces éléments constitutifs de la smart city utilisent le numérique. Du bâtiment avec des constructions connectées et à énergie éco-positive, aux transports capables d’optimiser la gestion des flux et constitués de véhicules énergétiquement plus économiques, en passant par les quartiers éco-responsables, tous les acteurs constituant ces secteurs d’activités (entreprises du BTP, opérateurs de transports, de gestion des ressources énergétiques, collectivités locales, promoteurs, opérateurs Telco,..) intègrent le numérique pour améliorer le vivre ensemble des résidents, touristes, voyageurs ou travailleurs au sein de la ville, du département ou de la région.

Un concept devenu impératif au regard de l’explosion démographique des prochaines années et de la croissance des villes.  D’ici 2050, 2 milliards de personnes supplémentaires habiteront des zones urbaines, soit une croissance de 50% environ, atteignant 300% en Afrique par exemple. Cette concentration ne sera pas sans accentuer les problématiques déjà existantes de gestion des espaces, de maitrise d’énergie et de ressources alimentaires.

Où en est-on, aujourd’hui, du développement des smart cities ?

François Duquesnoy : les trois éléments qui caractérisent les smart cities sont : la connectivité, l’agilité et l’innovation.

La connectivité est assurée via un foisonnement de capteurs, de vidéos, d’objets connectés répartis sur le territoire, que ce soit dans les logements, les établissements publics, les parkings, les transports en commun, les espaces ouverts, les rues, les stades, etc. auxquels s’ajoutent les smartphones.

Cet internet des objets de la ville permet d’optimiser des services existants et d’en développer de nouveaux. Par exemple rendre connectés les containers de récupération du verre permet d’optimiser les tournées, de prévenir les débordements et ainsi améliore la satisfaction des habitants tout en limitant la consommation d’énergie et les déplacements des camions de collecte. Dans le cadre du projet de Monitoring Urbain Environnemental (MUE), la métropole Nice Côte d’Azur a déployé des milliers de capteurs pour mesurer la pollution, le bruit, le trafic.  

Deuxième élément : L’agilité. Elle est principalement poussée par les citoyens et les startups. Par nature même, le mumérique apporte un foisonnement de nouveaux usages, d’applications ou de terminaux mobiles : le citoyen s’attend à voir cette même agilité appliquée aux services collectifs urbains fournis par les acteurs du transport, du bâtiment, et aussi par les pouvoirs publics. Les startups imposent également des temps de développement de plus en plus réduits. Prenons l’exemple de l’application mobile développée par Orange pour la ville de Nantes. Grâce à cette appli téléchargeable gratuitement et personnalisable, les Nantais peuvent recueillir des informations sur les évènements locaux (spectacles, cinéma..), sur la vie municipale, les embouteillages, les places de parking et les vélos disponibles… Elle permet aussi de dématérialiser les paiements ou encore de consulter les menus de la cantine des enfants.

Troisième caractéristique : l’innovation. Les milliards d’objets connectés génèrent un volume colossal de données qui, une fois collectées,  analysées et corrélées entre elles et avec d’autres sources d’informations, permettent d’optimiser les flux et les ressources,  de réduire les consommations d’énergie ou encore de développer des services aux citoyens. Orange a ainsi développé Flux Vision, une solution proposant des analyses de flux de personnes pour des applications allant du transport au tourisme ou au commerce. Les indicateurs fournis, co-construits avec les partenaires, n’existaient tout simplement pas auparavant. Pour inciter les villes à se lancer dans des projets innovants, il nous faut expliquer, présenter des exemples et parler usages plutôt que technologies.   

Quels sont, selon vous, les freins au développement des smart cities ?

François Duquesnoy : Les smart cities bousculent l’équilibre industriel du secteur parce que la transformation numérique s’est introduite chez la totalité des acteurs de la ville et aussi parce que des acteurs du numérique se sont intéressés à la ville. L’écosystème des smart cities englobe des acteurs comme les BTPistes, les énergéticiens, les transporteurs, mais aussi les telco, les fournisseurs d’équipements et de services IT, ainsi qu’un très grand nombre de startups ou des labs locaux. Aujourd’hui, notre rôle sur les projets de smart cities est celui d’intégrateur des différents composants des partenaires. Le concept de smart city, impose de rassembler de multiples compétences et de travailler de façon collaborative et agile.

Les business models sont également un domaine d’innovation. Prenons la donnée par exemple : comment monnayer les données issues de tous les objets connectés ? En tant qu’opérateur Télécom, la gestion de la data est inscrite dans notre ADN et nous avons la capacité à traiter de grands volumes de données et de les croiser avec des données externes pour en extraire de l’intelligence. Nos efforts portent sur les nouveaux cas d’usages permettant de valoriser cette intelligence avec nos clients et partenaires.

Enfin, l’interopérabilité des solutions peut représenter également un frein au développement des smart cities. Bien souvent les élus font part d’un souhait de ne pas être trop lié à une solution « propriétaire » certes performante au moment de l’achat mais qui pourrait devenir limitée ou coûteuse à faire évoluer dans un contexte de rapidité des évolutions techniques. Chez Orange Business nous travaillons beaucoup à cette interopérabilité.  

Comment se situe la France par rapport aux autres pays ?

François Duquesnoy : sur certains aspects comme les éco-quartiers par exemple, la France est plutôt bien située dans le monde. D’autres pays européens comme les Pays-Bas ou les pays nordiques montrent une certaine avance en matière de villes intelligentes. Leurs motivations à répondre aux appels d’offres européens pour trouver des subventions participent sans doute à ce dynamisme.

Quel avenir pour les smart cities ?

François Duquesnoy : en terme de prospective, il y a de nombreux questionnements autour du transport, de  la congestion des villes  et de l’e-commerce. Aujourd’hui les citoyens ne se déplacent plus pour acheter leurs biens. Ce sont les objets qui viennent à eux. Un phénomène qui accroit le trafic dans les villes et participe à leur engorgement. Si aujourd’hui on évoque de plus en plus les drones et voitures autonomes pour régler ces problèmes, il faut raison garder : cela ne représentera pas la majeure partie des situations dans les cinq prochaines années. Enfin, chaque ville, agglomération, région à ses propres problématiques de ressources énergétiques, de ressources alimentaires, ou d’infrastructures … Chaque ville doit donc développer sa propre ville intelligente. Il n’existe pas de modèle de smart city, mais des smart cities adaptées aux caractéristiques des lieux.

Juliette

 

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Juliette Fauchet

Journaliste depuis vingt ans, spécialisée high tech BtoB j’ai exercé dans des magazines de référence comme 01 Informatique. Je m’intéresse notamment à la gestion des RH (SIRH, GPEC, outils collaboratifs, MOOC, IoT, gestion des données, management…), à l’innovation (propriété industrielle, open innovation, co innovation, relations startups-entreprises,..) aux startups (capital-risque, incubateurs....), aux dispositifs publics de financement (CIR, CICE, BPI…) aux nouvelles économies  (économie collaborative, netéconomie silver économie, économie collaborative, Fintech ..)   

Je m’intéresse aussi aux nouvelles formes d’urbanisation (smart cities, smart inclusive, smart grid..) au big data, Cloud et IoT. 

Le digital est une véritable source de dynamise, d’innovation et de transformation des entreprises.